PARTIE X : NO SIGNAL

SAISON : SUMMER / YEAR : 2023 / PHOTOS : @tomhgn_ 

CHAPITRE 1 - NO SIGNAL 

Le Président américain déambule dans le Pentagone comme un chien en furie, insultant chaque personne qu’il croise dans le couloir menant vers la cellule de crise. Même ambiance chez tous les chefs d’états dans la plupart des pays du globe. Il y a quelques minutes, à 18h56 précisément, les écrans du monde entier se sont mis à diffuser un seul et même programme, impossible à zapper : une magnifique DP réalisée avec brio par une jeune actrice prometteuse. L’attentat pornographique avait eu lieu, et aucun expert en cyber-sécurité d’aucun gouvernement n’était assez compétent pour stopper l’hémorragie. L’hyper-connectivité du Nouveau Monde avait atteint sa limite, et le grand cirque digital vivaient ses derniers instants. Face à l’urgence de la situation, les chefs d’état n’avaient plus qu’une seule solution pour arrêter le massacre. Le 28 septembre 2039, à 19h35, alors que notre actrice désormais mondialement célèbre s’apprête à recevoir le grand final, la décision est prise : pour la première fois en 50 ans de règne, Internet est coupé, et tombe dans un coma profond.

CHAPITRE 2 - EXPLORER

Les jours qui suivirent furent chaotiques, les sirènes de police omniprésentes. Jamais je n’avais vu autant de gens dans la rue. Quinze ans de réseaux sociaux ont laissé des traces indélébiles, le peuple avait besoin d’échanger, de se montrer, pour le meilleur, et surtout pour le pire. Alors pendant que les plus curieux observent ce grand cirque cachés derrière les stores de leurs appartements, les plus extravagants exhibent leurs bolides, pour tenter de poser un cul d’influenceuse au chômage à la place du mort, espérant que cette autoroute d’égocentrisme les mène droit vers leur entrejambe parfumé d’intérêt pécunier à peine dissimulé. Au fond rien n’a vraiment changé, mais un sentiment de liberté règne quand même : les gens s’enlacent, débattent à visage découvert, tout à l’air plus réel, plus vrai. Les orphelins du web redécouvrent leurs sens, l’odeur de la ville, la voix de leurs gosses et le corps de leurs femmes.

CHAPITRE 3 - DANCING RAT 

Alors que mon voyage au coeur de la ville continue, des cris de joie provenant d’une ruelle attirent mon attention. J’y découvre un spectacle fabuleux : une bande de skateurs dansant en ronde autour du directeur général de la sécurité, un espèce de tordu normalement aux commandes des 2 746 caméras de la ville, qui passait son temps à envoyer les flics sur les skateurs de la grille tout en s’astiquant la guitare sur les minettes du Starbucks. Ils dansent bien les cons, un mélange de break et de danse folklorique bretonne, parsemé d’un soupçon de C-walk. Ils me rappellent Polo, au Club, à 2 grammes à 4h du matin. Ce chaos a du bon, il inverse les rôles, donnant aux rats de la street le pouvoir et la liberté qu’ils avaient tant mérités. La police n’a de toute façon plus aucun impact, certains flics ayant même jeté leur badge dès la première journée, voulant profiter eux aussi de cette explosion de liberté ambiante. Les autres luttent avec la désorganisation évidente des services de police et de l’administration face à un problème d’une telle ampleur. La vie est belle.

CHAPITRE 4 - HOUSE OF SINS 

En passant devant la cathédrale, je décide d’aller jeter un coup d’oeil à l’intérieur, impatient de voir comment les enfants du seigneur vivent cette révolution. Après tout, les curés du monde entier n’ayant plus accès à Pornhub, j’allais forcément avoir quelque-chose de croustillant à me mettre sous la dent. Dès mon arrivée, je suis surpris par l’énorme file d’attente dans l’allée principale. Face à cette tragédie, le peuple aurait-il besoin de trouver des réponses dans la religion ? Que dalle. Assis devant le confessionnal, sous le regard de centaines de pèlerins, un curé entouré de bougies, distribue le corps du Christ : un carton de LSD Albert Hoffman double face, son meilleur cru. Sous le carton, la langue sensuelle d’une jeune nonne totalement dévouée à débuter son voyage astral pour dénicher les réponses les plus enfouies de l’univers. Vient ensuite le sang du Christ : un bouchon de flash de Poliakov fraîchement achetée à l’alimentation d’en face. La maison du seigneur s’était transformée en maison des péchés. Je fais un dernier signe de croix et déserte ce bourbier, avant que tout ce beau monde ne se lance dans une orgie aux proportions bibliques.

CHAPITRE 5 - SPIRAL GAME 

La faculté d’adaptation de l’être humain m’étonnera toujours. Pendant que la plupart des gens vivent dans l’ennui et s’engouffrent dans une dépression profonde, les plus créatifs ont déjà pris les devants, et organisent d’immenses rassemblements où des centaines de personnes s’engouffrent avec ferveur dans la grande spirale de l’alcoolisme. Après tout, l’alcool est aujourd’hui ce qui se rapproche le plus des regrettés filtres Instagram, rendant notre vision du monde plus aseptisée, plus esthétique, plus vivable. Des jeux d’alcool géants rythment les journées pour finir tantôt en orgie, tantôt en bain de sang, au petit bonheur la chance. Mais dans les deux cas, comas éthyliques, chansons paillardes et bonne humeur sont au rendez-vous. Je me glisse dans un de ces gatherings du futur plus motivé que jamais, déterminé à montrer à la nouvelle génération le fruit de 20 ans d’entrainement intensif dans l’ébriété.

Shop now